2007-2009 / 8RPIMA

2007 2011

Chef de corps : Colonel Jacques ARAGONES

 

Article les hommes et les femmes du 8 au combat 

Aussi deux années à sa tête ne représentent, à l’échelle de ce prestigieux régiment, qu’une fraction minime de son histoire. Il est donc bien prétentieux de penser qu’on a imprimé une marque dans la geste des guerriers à l’ancre d’or. C’est donc bien modestement que je souhaite témoigner de ce que je sais d’eux, des deux années passées à leur tête mais aussi, au travers des trois affectations que j’ai vécues à Castres, entre 1988 et 2009, comment j’ai perçu les hommes et les femmes qui le composent au cours de ces plus de 20 ans. 

J’ai indéniablement connu à Castres les plus belles années de ma carrière militaire, en tout premier lieu parce que j’y ai vécu les plus belles expériences humaines. De celles qui forgent les hommes et les femmes qui constituent le cœur et l’âme de ce régiment et qui nous font mettre tout notre cœur dans les missions qui nous sont confiées, avec de surcroît, ce petit supplément d’âme qui distingue les plus belles unités de notre armée de terre, dont le 8 fait indéniablement partie. A Fayolle, il ne souffle pas que le vent d’Autant de notre pays castrais. Lorsque les plis du drapeau du régiment se déploient sur la place d’armes c’est un souffle épique que l’on perçoit, celui qui a donc débuté en 1951. 

En tout premier lieu, je l’ai rencontré comme lieutenant car tout jeune officier constate rapidement qu’il passe sur un an plus de nuits avec son sous-officier adjoint et ses hommes qu’avec sa propre épouse… ceci en dit déjà long sur notre vécu. Ainsi on ne ment pas à ses hommes car ils vous voient tous les jours et connaissent rapidement votre caractère et votre trempe, dans toutes les situations. En retour vous les connaissez aussi certainement mieux que leurs propres parents. Nul ne peut s’enorgueillir de « jouer un rôle » ou de montrer une image de lui enjolivée car dans la durée et au travers des épreuves que l’unité rencontre, l’homme, celui que l’on est vraiment, est rapidement mis à nu avec ses qualités et ses défauts. Ceci est vrai de tous, quel que soit notre grade ou notre fonction, mais le groupe humain ainsi constitué n’en devient que meilleur car il scelle ces destinées si diverses, dans un but commun unique qui nous transcende tous. C’est bien là toute la force de ce régiment. 

Plus tard j’ai retrouvé cet élan des « volontaires » lorsque, chef opérations du Colonel Bosser, nous sommes intervenus en Afrique pour l’opération Boali 1 dans un contexte difficile et délicat. Mais c’est surtout comme chef de corps que je peux témoigner de l’investissement total des paras du 8 puisqu’en toute fin d’année 2007, le régiment a reçu comme mission de se préparer pour une mission en Afghanistan dans les six mois suivants. Bien sûr la préparation a été immédiatement notre souci majeur pour être sûr de déployer sur ce théâtre d’opération très exigeant, une troupe aguerrie et prête. Nous avons donc construit une préparation détaillée, fouillée, complète avec de grandes dominantes clairement identifiées : tir, entraînement tactique bien sûr mais aussi secourisme de combat, lutte contre les mines et engins explosifs, mise en oeuvre de l’appui aérien etc. J’ai alors vu se déployer toute la puissance de la véritable machine de guerre 8e RPIMa, celle qui fait que chacun devient un amplificateur des ordres reçus et de l’intention du chef. Certes le but est fixé d’en haut par le chef de corps mais le para du 8 y rajoute toutes ses connaissances, toute son ingéniosité et profite de la latitude de son initiative pour proposer et améliorer les solutions envisagées. Car il sait que chaque maillon de la chaîne doit jouer, à son niveau, complétement son rôle pour garantir la solidité du tout. Ainsi les compagnies proposent des idées pour améliorer les capacités antipersonnel de l’unité, les médecins imaginent et développent les solutions pour sauver le maximum de vies, les mécaniciens déploient toute leur ingéniosité pour avoir des moyens disponibles et avec la protection nécessaire, l’état-major du régiment lance les commandes de petits matériels complémentaires qui nous faciliteront la vie sur place etc. On pourrait citer et allonger cette liste sur des pages entières. 

Mais c’est une fois déployés sur le terrain que les hommes et les femmes du 8 se révèlent encore plus complétement. Unité professionnelle de la première heure, ce régiment cumule des années d’expérience pour identifier les bons gestes et les bonnes attitudes qui en font la machine de guerre qu’il est aujourd’hui. Si j’ai parfois entendu les lamentations de certains sur le thème : avant les soldats étaient plus rustiques, plus forts, avaient plus de volonté, se battaient jusqu’au bout etc. Je peux témoigner que cette idée du « c’était mieux avant » est très certainement le plus souvent fausse. 

Certes la société d’aujourd’hui a évolué et nos paras ne sont certainement pas comparables avec les poilus de la première guerre mondiale qui ont enduré sans broncher quatre années à vivre dans la boue des tranchées sous les tirs de l’artillerie et les attaques ennemies. Mais les paras du 8 sont aujourd’hui encore exemplaires. Toujours innovants, surprenants de sérénité face au danger, âpres à la tâche, résistants dans les conditions adverses les plus difficiles de froid comme de chaleur ; appliqués au succès de leur mission, ils restent soucieux de leurs camarades et du groupe humain dont ils font partie. Oui les paras du 8 sont de formidables soldats et leur fraternité avec les autres unités s’est pleinement révélée en Afghanistan où près d’une soixantaine de corps différents étaient représentés. Cette modestie caractérise les « seigneurs » qui n’ont pas besoin de dire eux-mêmes qu’ils sont bons car cette vérité éclate aux yeux de tout observateur. 

Le parachutiste du 8 demeure, aujourd’hui encore, animé de cet esprit assez unique dont le souffle a commencé il y a près de 70 ans dans un petit coin de l’empire français appelé l’Indochine, guerre oubliée de la métropole, où le commandement a demandé à des hommes de réaliser de grandes choses avec presque rien. Venus de tous les horizons, incorporant toutes les origines, ils ont entamé une épopée qui se poursuit encore et dont chacun se sent pleinement héritier. Ce même élan s’est poursuivi en Algérie, puis en métropole, en Afrique et tout particulièrement au Tchad (CPIMa), puis dans les Balkans : Bosnie, Kosovo, enfin en Afghanistan et désormais au Sahel. 

Le prix de cet esprit est payé tous les jours à Fayolle comme sur le Causse, dans le Transall en vol tactique comme au saut de nuit, dans de longues marches comme dans les épreuves physiques les plus difficiles, parce que depuis toujours la sueur épargne le sang et qu’un entraînement exigeant permet seul de se surpasser dans les conditions les plus dures, au moment où tous sont exténués et penseraient abandonner. La difficulté de cet entraînement nous relie irrémédiablement les uns aux autres et entretient la chaîne de l’estime réciproque. Le 8 est un creuset dont l’alchimiste a depuis longtemps découvert le secret pour transformer le plomb en or… puisse-t-il perdurer éternellement comme un outil irremplaçable au service de la France. 

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